Le système Charpak révolutionne la radiologie

 

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"Il devrait être interdit de

rassembler des physiciens sans
qu'obligatoirement soient
mêlés à eux des artistes!"Georges Charpak, La vie à fil tendu
(*) Le système Charpak à l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul à Paris
(*) Une sorte de trame de tissage
(*) Deux fentes pour limiter l'irradiation
(*) Une ligne toutes les 30 millisecondes
(*) Cent fois moins de rayons X
(*) Amélioration de la qualité de l'image
(*) 9 mois et 250 patients
(*) Contact
Georges Charpak, prix nobel, est une personnalité bien connue au Canada. En octobre 1994, à l'invitation de l'ambassade, il avait prononcé une conférence très suivie, visité plusieurs laboratoires et rencontré des personnalités scientifiques. En 1995, il est revenue à Ottawa pour recevoir un Doctorat Honoris Causa de l'Université d'Ottawa et patronner une bourse de recherches Canada-Israël dont le lancement a été assuré avec le concours de l'ambassade de France.
 
 

Le personnel qui l'utilise à l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul, à Paris, au sein du service du professeur Gabriel Kalifa, l'a baptisé‚ le "Système Charpak". L'appareil de radiologie révolutionnaire dont l'évaluation clinique, d'une durée de neuf mois, vient de commencer est en effet issu des travaux du prix Nobel de physique 1992 Georges Charpak. Grâce à ce projet développé par la société Biospace Radiologie, les patients seront soumis à une dose de rayons X cent fois moins importante. Par ailleurs, ce système augmente la quantité d'informations contenues dans l'image et permet d'emblée l'acquisition numérique de celles-ci.

C'est au début des années 80 que Lew Schektmann, un physicien travaillant alors dans le département d'études des détecteurs de Georges Charpak, au CERN (Centre Européen pour la Recherche Nucléaire) de Genève, conçoit l'idée d'une application radiologique médicale de la chambre à fils, un détecteur qui est d'usage quotidien en physique nucléaire. L'originalité de cette idée repose essentiellement sur une orientation particulière des fils dans la chambre.

Ses travaux réalisés au Centre de Physique Nucléaire de Sibérie vont aboutir en 1983 à l'installation d'une machine de diagnostic à l'Hôpital de la Mère et de l'Enfant à Moscou consacrée à l'exploration du bassin des femmes enceintes pour en déterminer les dimensions. Deux détecteurs utilisant des chambres de 256 fils seront ainsi installés à Moscou. Mais afin d'accroître la résolution, il est décidé de porter le nombre des fils à 320. Dès 1987, ce nouveau type de détecteur est installé dans l'hôpital de Novossibirsk afin d'être utilisé pour la radiologie conventionnelle, notamment les examens de la colonne vertébrale et des poumons. Une nouvelle version de ce détecteur comprenant cette fois-ci 640 éléments de détection fonctionne depuis 1988 comme machine d'expérimentation dans les locaux de l'Institut Budker. C'est un modèle identique qui est actuellement en cours d'évaluation à l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul.

Une sorte de trame de tissage

L'originalité de ces différentes machines repose sur la chambre proportionnelle multifils ou "détecteur de Charpak" dont la conception et le développement a valu, en 1992, le prix Nobel de physique au physicien français. La chambre proportionnelle multifils est un détecteur de particules à gaz (mélange de Xénon et de CO2) qui se présente extérieurement comme un boîtier en aluminium d'une cinquantaine de centimètres de largeur, surmonté d'un petit manomètre permettant de contrôler la pression du Xénon à 3 bars.

Ouvert, ce boîtier laisse apparaître l'alignement des fils. Il s'agit de fils de cuivre de 10 microns de diamètre, tendus comme une trame de tissage. Chacun de ces fils, dont l'axe regarde la source des rayons X située à 1,30 m, mesure 5 cm de long et est distant de 1,2 mm de ses voisins. Les cathodes sont situées de part et d'autre du plan des fils. Les connexions avec le premier étage électronique se trouvent sous la chambre. Chaque fil est relié à un amplificateur, un élément de sélection et un compteur. Tous ces composants sont rassemblés en 32 cartes logées dans un capot solidaire de chambre. L'ensemble chambre-électronique de comptage est porté par un bras qui reçoit à son autre extrémité le tube à rayons X.

Deux fentes pour limiter l'irradiation

Indépendant du détecteur, un petit meuble contient l'électronique de puissance, les systèmes de contrôle et un premier traitement informatique des informations issues du détecteur. L' information est ensuite transmise à un micro-ordinateur de type PC qui permet la visualisation et le traitement des images. La production des rayons X conserve le système classique avec toutefois un générateur piloté par l'électronique de contrôle et un tube du commerce. La chambre à fils étant un détecteur linéaire, c'est-à-dire ne pouvant enregistrer qu'une ligne après l'autre, l'ensemble du système doit réaliser un balayage du sujet examiné. Le bras portant à l'une de ses extrémités le tube à rayons X et à l'autre le détecteur est par conséquent déplacé dans un mouvement par l'électronique de contrôle. Sur ce bras sont fixées deux fentes de collimation du faisceau de rayons X afin de limiter l'irradiation du patient et l'influence de rayonnement diffus.

Contrôlée par ordinateur, l'installation dispose notamment d'un programme permettant au médecin de mesurer la distance entre les objets sur l'image, la densité de chaque point de l'image, la densité moyenne dans un fragment quelconque de l'image mais également d'accomplir quelques autres opérations (fenêtrage, zoom, etc...).

Une ligne toutes les 30 millisecondes

Lors de l'examen du patient, le balayage de la région anatomique explorée s'effectue par le faisceau de rayons X finement collimaté. Le détecteur enregistre une ligne toutes les 30 millisecondes. Mise en mémoire, cette ligne est traitée et visualisée sur l'écran du micro-ordinateur. C'est la vitesse de déplacement de l'ensemble tube-détecteur qui détermine l'épaisseur physique de la "tranche" anatomique explorée, soit 0,6 mm sur le prochain système actuellement en cours de développement. La résolution spatiale suivant l'autre axe est déterminée par l'espacement des fils dans le détecteur. Ces fils, comme nous l'avons vu précédemment, sont distants de 1,2 mm mais un artifice électronique permet de diminuer de moitié la largeur de chaque canal d'exploration. Aussi, quand deux fils adjacents détectent un même évènement comme l'arrivée d'un photon, un traitement électronique attribue cet évènement à un canal intermédiaire. Ainsi, à partir de 320 fils cet appareil permet d'obtenir 640 canaux dont la largeur d'exploration est de 0,6 mm.

Seul inconvénient du système : il ne permet l'examen des patients qu'en position debout. Cet inconvénient qui limite les possibilités d'exploration, notamment pour les malades invalides, pourrait disparaître avec la réalisation d'une table polyvalente actuellement à l'étude, une table qui devra, entre autres, tenir compte des spécificités du détecteur et, en particulier, de sa sensibilité potentielle aux vibrations.

Cent fois moins de rayons X

L'accroissement de la résolution spatiale (actuellement de 0,6 x 0,6 mm) est prévue par Georges Charpak sous forme d'un détecteur ayant une plus grande densité d'éléments. L'augmentation de la vitesse de balayage du détecteur (actuellement de 12 secondes pour un champ d'exploration de 36 cm) peut être envisagée de deux manières. La première solution consiste à augmenter la vitesse de balayage d'un système comprenant une seule chambre à fils, ce qui nécessite évidemment un détecteur d'une sensibilité plus élevée, sensibilité entraînant par ailleurs l'adaptation de l'électronique. L'autre solution serait de concevoir un système comprenant plusieurs chambres à fils, divisant ainsi la surface à explorer par chacune d'entre elles.

Le principal avantage de ce système est de délivrer cent fois moins de rayons X que les systèmes radiologiques existants. Cette diminution de l'irradiation est due à la plus grande efficacité de l'élément détecteur et à la baisse du rayonnement diffusé par le système de collimation utilisé. En effet, la chambre à fils permet le comptage un à un des photons entrant dans la chambre. Les photons incidents interagissent avec le Xénon, produisant des photons-électrons détectés par les fils mis sous tension. Chaque évènement amplifié est compté par l'unité électronique. Le mécanisme de comptage est plus efficace que le couple film-écran traditionnel qui nécessite un plus grand nombre de photons pour impressionner l'émulsion et plus simple que la radioscopie qui utilise une chaîne de détection où chaque étape engendre ses propres artefacts.

Amélioration de la qualité de l'image

Le rayonnement diffusé constitue l'élément principal de la dégradation de l'image radiologique et nécessite un accroissement de l'irradiation pour en limiter l'influence. Sa diminution est obtenue par le système de collimation. Le faisceau de rayons X est limité à un éventail de 1 mm d'épaisseur devant le patient. Seule la région anatomique explorée est irradiée. A l'entrée du détecteur, un deuxième collimateur élimine les rayons diffusés ayant perdu leur trajectoire initiale. La proportion du rayonnement diffusé est limitée à un niveau de 1% du faisceau principal alors qu'elle est de l'ordre de 90% en l'absence de collimation.

Outre la diminution de l'irradiation, la suppression du rayonnement diffusé entraîne une amélioration de la qualité de l'information obtenue : les faibles contrastes ne sont plus noyés dans le bruit de fond. En sortie de détecteur, l'information concernant chaque point exploré est codée sur 64 000 niveaux de gris (16 bits).

Une telle quantité d'informations offre une visualisation des très faibles contrastes accessibles du fait de la suppression du rayonnement diffusé. En outre, ces faibles niveaux de contrastes peuvent être distingués dans une palette plus large de niveaux de gris du fait de la dynamique du détecteur.

9 mois et 250 patients

Le comptage unitaire des photons permet également une numérisation directe de l'information dès sa sortie du détecteur. Dès la détection, l'image peut donc être traitée sous forme informatique alors que les autres systèmes de radiologie numérique impliquent soit une numérisation par caméra vidéo, soit le traitement par un système de lecture laser. Par ailleurs, l'information issue du détecteur peut naturellement intégrer les systèmes traditionnels de radiologie numérique (reproduction, transmission, archivage, etc...).

Durant les neuf mois d'évaluation clinique, 250 patients vont subir, à chaque examen, deux séances d'exposition, l'une en radiologie classique, l'autre avec le "système Charpak". Les doses d'irradiation prises dans chaque cas seront mesurées et le professeur Kalifa comparera la pertinence des deux types d'image en tant qu'outils de diagnostic. Enfin, si l'expérience, parrainée par la Compagnie Générale des Matières Nucléaires (COGEMA), leader mondial du cycle du combustible nucléaire, s'avère positive, ce nouvel appareil de radiologie passera sans doute au stade de l'industrialisation.

Contact

Professeur Gabriel Kalifa

Hôpital Saint-Vincent-de Paul, Service de radiologie
11, avenue Denfert-Rochereau
75014 Paris, France
Tél. : (0 11 33) 1 40 48 81 92
 

Evaluation du système Charpak
(Comité d'Evaluation et de Diffusion des Innovations Technologiques - CEDIT - AP.HP)
28/12/93
13/09/94
09/09/96