Le système Charpak révolutionne la radiologie |
Le personnel qui l'utilise à l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul, à Paris, au sein du service du professeur Gabriel Kalifa, l'a baptisé‚ le "Système Charpak". L'appareil de radiologie révolutionnaire dont l'évaluation clinique, d'une durée de neuf mois, vient de commencer est en effet issu des travaux du prix Nobel de physique 1992 Georges Charpak. Grâce à ce projet développé par la société Biospace Radiologie, les patients seront soumis à une dose de rayons X cent fois moins importante. Par ailleurs, ce système augmente la quantité d'informations contenues dans l'image et permet d'emblée l'acquisition numérique de celles-ci.
C'est au début des années 80 que Lew Schektmann, un physicien travaillant alors dans le département d'études des détecteurs de Georges Charpak, au CERN (Centre Européen pour la Recherche Nucléaire) de Genève, conçoit l'idée d'une application radiologique médicale de la chambre à fils, un détecteur qui est d'usage quotidien en physique nucléaire. L'originalité de cette idée repose essentiellement sur une orientation particulière des fils dans la chambre.
Ses travaux réalisés au Centre de Physique Nucléaire de Sibérie vont aboutir en 1983 à l'installation d'une machine de diagnostic à l'Hôpital de la Mère et de l'Enfant à Moscou consacrée à l'exploration du bassin des femmes enceintes pour en déterminer les dimensions. Deux détecteurs utilisant des chambres de 256 fils seront ainsi installés à Moscou. Mais afin d'accroître la résolution, il est décidé de porter le nombre des fils à 320. Dès 1987, ce nouveau type de détecteur est installé dans l'hôpital de Novossibirsk afin d'être utilisé pour la radiologie conventionnelle, notamment les examens de la colonne vertébrale et des poumons. Une nouvelle version de ce détecteur comprenant cette fois-ci 640 éléments de détection fonctionne depuis 1988 comme machine d'expérimentation dans les locaux de l'Institut Budker. C'est un modèle identique qui est actuellement en cours d'évaluation à l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul.
Ouvert, ce boîtier laisse apparaître l'alignement des fils. Il s'agit de fils de cuivre de 10 microns de diamètre, tendus comme une trame de tissage. Chacun de ces fils, dont l'axe regarde la source des rayons X située à 1,30 m, mesure 5 cm de long et est distant de 1,2 mm de ses voisins. Les cathodes sont situées de part et d'autre du plan des fils. Les connexions avec le premier étage électronique se trouvent sous la chambre. Chaque fil est relié à un amplificateur, un élément de sélection et un compteur. Tous ces composants sont rassemblés en 32 cartes logées dans un capot solidaire de chambre. L'ensemble chambre-électronique de comptage est porté par un bras qui reçoit à son autre extrémité le tube à rayons X.
Contrôlée par ordinateur, l'installation dispose notamment d'un programme permettant au médecin de mesurer la distance entre les objets sur l'image, la densité de chaque point de l'image, la densité moyenne dans un fragment quelconque de l'image mais également d'accomplir quelques autres opérations (fenêtrage, zoom, etc...).
Seul inconvénient du système : il ne permet l'examen des patients qu'en position debout. Cet inconvénient qui limite les possibilités d'exploration, notamment pour les malades invalides, pourrait disparaître avec la réalisation d'une table polyvalente actuellement à l'étude, une table qui devra, entre autres, tenir compte des spécificités du détecteur et, en particulier, de sa sensibilité potentielle aux vibrations.
Le principal avantage de ce système est de délivrer cent fois moins de rayons X que les systèmes radiologiques existants. Cette diminution de l'irradiation est due à la plus grande efficacité de l'élément détecteur et à la baisse du rayonnement diffusé par le système de collimation utilisé. En effet, la chambre à fils permet le comptage un à un des photons entrant dans la chambre. Les photons incidents interagissent avec le Xénon, produisant des photons-électrons détectés par les fils mis sous tension. Chaque évènement amplifié est compté par l'unité électronique. Le mécanisme de comptage est plus efficace que le couple film-écran traditionnel qui nécessite un plus grand nombre de photons pour impressionner l'émulsion et plus simple que la radioscopie qui utilise une chaîne de détection où chaque étape engendre ses propres artefacts.
Outre la diminution de l'irradiation, la suppression du rayonnement diffusé entraîne une amélioration de la qualité de l'information obtenue : les faibles contrastes ne sont plus noyés dans le bruit de fond. En sortie de détecteur, l'information concernant chaque point exploré est codée sur 64 000 niveaux de gris (16 bits).
Une telle quantité d'informations offre une visualisation des très faibles contrastes accessibles du fait de la suppression du rayonnement diffusé. En outre, ces faibles niveaux de contrastes peuvent être distingués dans une palette plus large de niveaux de gris du fait de la dynamique du détecteur.
Durant les neuf mois d'évaluation clinique, 250 patients vont subir, à chaque examen, deux séances d'exposition, l'une en radiologie classique, l'autre avec le "système Charpak". Les doses d'irradiation prises dans chaque cas seront mesurées et le professeur Kalifa comparera la pertinence des deux types d'image en tant qu'outils de diagnostic. Enfin, si l'expérience, parrainée par la Compagnie Générale des Matières Nucléaires (COGEMA), leader mondial du cycle du combustible nucléaire, s'avère positive, ce nouvel appareil de radiologie passera sans doute au stade de l'industrialisation.
Evaluation du système
Charpak
(Comité d'Evaluation et de Diffusion des Innovations Technologiques
- CEDIT - AP.HP)
28/12/93
13/09/94
09/09/96